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Critique

 

Visage

JACQUES MANDELBAUM, LE MONDE, MAI 2009

Point n’est besoin d’avoir lu les Evangiles pour connaître l’histoire de Salomé, devenue un mythe dans l’art européen, de Titien à Flaubert, en passant par Heinrich Heine et Richard Strauss. Charmant son oncle et beau-père Hérode, tétrarque de Galilée, parla grâce de sa danse, la belle lui demande sur un plat la tête de saint Jean-Baptiste, qui avait eu la mauvaise idée de condamner le remariage de sa mère avec ce potentat; frère de son premier mari.

Là-dessus descend d’avion le cinéaste taïwanais Tsai Ming-liang, l’un des plus singuliers réalisateurs de la planète qui, à l’instigation du Musée du Louvre, entreprend d’adapter le mythe dans les entrailles du célèbre musée et dans le jardin des Tuileries qui l’environne. Ce furieux télescopage entre la galaxie du cinéaste et la constellation du mythe équivaut à une guerre des étoiles artistique. Sa version est à nulle autre pareille, et a fait, en ce samedi 23 mai, ultime journée du Festival, darder le soleil de la poésie visuelle jusque dans l’obscurité des salles cannoises.

Pour mieux comprendre de quoi il s’agit, un mot est nécessaire sur le cinéma, toujours confidentiel en dépit de son extrême originalité, de Tsai Ming-liang. Né en 1957 en Malaisie de parents chinois, installé en I977 à Taïwan, il fait partie, avec Hou Hsiao-hsien, de ces réalisateurs qui ont fait entrer le cinéma chinois dans la modernité et ont imposé ce renouveau sur la scène internationale. Admirateur de la Nouvelle Vague française et plus particulièrement de François Truffaut, Tsai Ming-liang a mis en place depuis 1992, date de son premier long métrage, Les Rebelles du dieu néon, un système de collaboration étroite avec son acteur fétiche Lee Kang-sheng.

Cette collaboration reconduit et métamorphose l’aventure au long cours qui allé, à travers le personnage d’Antoine Doinel, Truffaut à Jean-Pierre Léaud. Elle la reconduit parce que l’acteur y est défini comme alter ego du cinéaste, et qu’il permet de transfigurer l’inspiration autobiographique de ce cinéma. Et elle la métamorphose par une esthétique finalement moins redevable à Truffaut qu’à une étrange mixture de tradition burlesque et de dispositif plasticien, qui conduit le cinéma de Tsai Ming-liang dans des confins souvent inexplorés, toujours magnifiques et déconcertants.

Sensualité délirante

Visage est, à cet égard, le film qui va le plus loin dans l’attaque portée par la forme contre le récit, en même temps que dans la nature très paradoxale de l’hommage rendu à l’œuvre de Truffaut. Pour le dire autrement, Visage, c’est un peu La Nuit américaine vidée de sa substance romanesque par une succession éblouissante de scénographies, elles-mêmes vampirisées par l’histoire des représentations picturales et opératiques de Salomé.

Si tant est qu’on puisse la reconfigurer telle en serait l’histoire : un cinéaste taïwanais nommé Kong (Lee Kang-sheng) débarque à Paris pour y tourner un film sur le mythe de Salomé. Il confie le rôle de la cruelle beauté au top model Laetitia Casta, celui d’Hérode à Jean-Pierre Léaud, et tient lui-même celui de Jean le Baptiste. Mais le tournage se complique en raison de la mort de sa mère à Taïwan. La productrice du film (Fanny Ardant) doit veiller au grain et la distribution, qui compte également Jeanne Moreau et Nathalie Baye, patienter.

Tout cela est naturellement prétexte à autre chose. Fouetter l’inventivité visuelle de Tsai Ming-liang par la création de tableaux d’une somptuosité et d’une sensualité délirantes. Préciser que la beauté de Laetitia Casta sur grand écran revigore le concept de sublime, tombé de longue date en désuétude. Organiser à travers une scène bouleversante et fantomatique la rencontre des deux acteurs les plus chers à son cœur, Jean-Pierre Léaud et Lee Kang-sheng. Lâcher un véritable cerf dans les Tuileries pour y perdre à sa suite le fil du récit. Célébrer enfin la porosité du cinéma et de la vie par l’hommage rendu à sa propre mère, morte en cours de tournage, et faire de ce film désemparé son tombeau.

 

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Visage

Réalisateur(s) : Ming-Liang Tsai

Interprète(s) : Lee Kang-Sheng, Lu Yi-Ching, Jean-Pierre Léaud, Fanny Ardant, Laetitia Casta, Norman Atun, Jeanne Moreau, Nathalie Baye, Mathieu Amalric, Yang Kuei-Mei, Chen Yin Guang, Alice Roland, Sandrine Borau, Tsai Ming-Liang

Un réalisateur taïwanais tourne l’histoire du mythe de Salomé au musée du Louvre. Bien qu’il ne sache ni l’anglais ni le français Il tient absolument à confier le rôle du roi Hérode au comédien Jean-Pierre Léaud. Pour donner à ce film quelque chance, la production confie le rôle de Salomé à une star de renommée internationale. Mais dès le début du tournage, les problèmes s’accumulent... Un vieux canon à neige, loué pour une scène musicale se révèle une sorte d’antiquité qui sème le désordre et la confusion. Jean-Pierre Léaud, fidèle à sa légende se présente sans prévenir sur le plateau alors qu’il n’est pas convoqué et y déclenche des catastrophes. Enfin la star (Laetitia Casta), contre toute attente, tombe follement amoureuse d’un grand cerf qui disparaît mystérieusement. Dans la confusion générale, le réalisateur apprend brutalement la mort de sa mère. La productrice doit s’envoler pour Taipei afin de se rendre aux obsèques et ramener le réalisateur à Paris. Mais le réalisateur sombre dans un profond sommeil. La productrice n’a d’autre choix que d’attendre, perdue dans une ville étrangère. Comme après un très long voyage, le tournage reprend, mais chacun s’est égaré sur des chemins différents. La star obsédée par son image occulte fenêtre et miroirs, la productrice part à la recherche désespérée de Jean-Pierre Léaud qui sortira d’un ultime cadre avant de quitter la scène, et le réalisateur blessé par le deuil prend la place de Jean Le Baptiste, dans l’impossibilité de remettre en place le puzzle de ces vies éparpillées. « Proposer le musée du Louvre comme laboratoire de réalisation c’est espérer recevoir en retour un autre regard, non institutionnel, à la fois sur le lieu, les collections et l’institution elle-même. » Henri Loyrette, président-directeur du musée du Louvre

Ce film a été développé dans le cadre du programme « Le Louvre s’offre aux cinéastes ».

Genre

Fiction

Copyright

2009

Durée

138 minutes

Producteur(s)

Jacques Bidou – Marianne Dumoulin, JBA Production

Co-producteur(s)

Vincent Wang, Homegreen Films, Catherine Derosier-Pouchous, Musée du Louvre, Michel Reilhac, Arte France Cinéma, Stienette Bosklopper, Circe Films (Pays-Bas), Joseph Rouschop, Tarentula (Belgique), avec la participation du Centre National de la Cinémat

Sélections / Récompenses

Sélection compétition officielle 62ème festival de Cannes, 2009

GOLDEN HORSE AWARDS (Taiwan), 2009: prix direction artistique/décor et prix costumes

ASIAN FILM AWARDS (Hong-Kong), 2010 :prix direction artistique/décor et prix costumes

Distribution commerciale

Rezo Films

Distribution non commerciale

Heure Exquise